Jacques Chirac soutient Sarkozy mais seulement du bout des lèvres
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Jacques Chirac soutient Nicolas Sarkozy,
mais seulement du bout des lèvres
par Sylvain Besson
Le président a annoncé la démission de son ministre de l'Intérieur pour le 26 mars. Les divergences restent fortes.
C'est un passage de témoin calculé au millimètre, préparé depuis des semaines et pesé au mot près: Jacques Chirac a annoncé mercredi son soutien à Nicolas Sarkozy pour l'élection présidentielle. Le ministre de l'Intérieur quittera son poste le lundi 26 mars, «pour se consacrer pleinement à la campagne électorale».
Quoique prononcée avec le sourire, la déclaration de Jacques Chirac n'est pas délirante d'enthousiasme. Le texte est mesuré, sobre, presque clinique. Parlant de Nicolas Sarkozy, le président salue «son travail, son engagement et ses résultats au Ministère de l'intérieur». Mais, quand il s'agit d'appuyer sa candidature, il expose un raisonnement logique, dépourvu de tout sentiment humain.
«Il y a cinq ans, explique Jacques Chirac, j'ai voulu la création de l'UMP (ndlr: Union pour un mouvement populaire, le parti de la droite majoritaire). Dans sa diversité, cette formation politique a choisi de soutenir la candidature de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle. Et ceci en raison de ses qualités. C'est donc tout naturellement que je lui apporterai mon vote et mon soutien.» En résumé: mon parti l'a désigné, donc je le soutiens. Rien de plus.
Malgré cette apparente froideur, l'entourage de Nicolas Sarkozy se dit satisfait: «J'ai trouvé Chirac au maximum de ce qu'il pouvait faire», expliquait l'un de ses proches mercredi.
Le candidat de droite a réagi par un communiqué laconique: «Je suis très touché de cette décision. Elle est importante pour moi sur un plan politique et aussi sur un plan personnel. Venant d'un homme qui a été président de la République pendant douze ans et qui sait mieux que personne les exigences de la fonction, la déclaration de Jacques Chirac a une signification politique de première importance.»
Entre les deux hommes, la relation semble professionnelle, rationnelle, mais aussi remplie d'antagonisme et de méfiance. Jacques Chirac devait soutenir Nicolas Sarkozy, sous peine de passer pour un traître au parti qu'il a fondé. Nicolas Sarkozy devait remercier le président, sous peine de passer pour un monstre d'ingratitude aux yeux d'une frange de la droite.
Mais, derrière ces intérêts bien compris, les divergences sautent aux yeux. Vendredi doivent paraître deux volumes de discours de Jacques Chirac, préfacés par le président, et qui forment une manière de testament politique. On trouve, dans les extraits publiés par Le Monde, quelques phrases qui ressemblent à des mises en garde codées à Nicolas Sarkozy: dénonçant ceux qui prônent «une brutale saignée libérale», le président affirme que «tout l'enjeu, à mes yeux, était et reste de tirer le meilleur parti d'un modèle français qui fonctionne».
Or Nicolas Sarkozy a bâti son ascension récente sur la dénonciation des échecs de ce «modèle» en matière de chômage, de mobilité sociale ou d'intégration. Mardi soir, il enfonçait encore le clou en prônant la «rupture» devant des milliers de partisans: «Vous êtes là parce que vous avez compris que je ne ferai pas ce que l'on vous a trop souvent fait depuis trente ans. Vous avez compris que, si je suis élu, je ne ferai pas après l'élection le contraire de ce que j'avais promis de faire la veille de l'élection.» Jacques Chirac, qui jurait en 1995 de réduire la «fracture sociale» avant de se lancer dans une politique d'austérité, a des raisons de se sentir visé.
Lundi, après une ultime cérémonie policière, Nicolas Sarkozy quittera son ministère pour un appartement meublé loué à Neuilly, son fief de la banlieue parisienne. Son remplaçant durant la période électorale sera François Baroin, actuel ministre de l'Outre-mer et proche de Jacques Chirac. Ce départ sera sans doute pénible pour Nicolas Sarkozy, qui a la réputation d'aimer les fastes de la République et les impressionnants cortèges motorisés.
Quant à son bilan au Ministère de l'intérieur, marqué par un recul de la délinquance mais aussi par les vives tensions qui persistent dans les banlieues, il fera sans doute l'objet, ces prochains jours, d'appréciations très critiques de la part de ses rivaux dans la course présidentielle.
Sources Le Temps
Posté par Adriana Evangelizt