La stratégie d'ouverture de Sarkozy fait grincer des dents à l'UMP

Publié le par Adriana EVANGELIZT

La stratégie d'ouverture de Sarkozy fait grincer des dents à l'UMP

par Philippe Ridet

Deux députés, en quête de leur réélection dans le sud de la France, sortent de l'hôtel Méridien Montparnasse, à Paris, lundi 14mai. Ils viennent d'entendre le court discours d'adieu de Nicolas Sarkozy à l'UMP, et son appel aux candidats aux législatives à pratiquer eux aussi "l'ouverture". Le premier se tourne alors vers son collègue : "C'est pas avec Kouchner que je vais me faire réélire." L'autre lui répond : "Surtout chez moi, avec le Front national." 

Car dans ce grand salon où vient de se tenir le conseil national du parti, il n'est bien sûr question, dans les conversations privées, que de l'entrée au gouvernement des anciens ministres de François Mitterrand, Bernard Kouchner, tenue pour acquise par nombre d'élus, ou d'Hubert Védrine.

Difficile pour certains parlementaires d'envisager sans broncher l'arrivée de socialistes au gouvernement, fussent-ils atypiques. Matin, midi et soir, ils ont fait campagne contre Ségolène Royal. A longueur d'année, ils daubent "le camp d'en face". Ils fustigent encore pour certains d'entre eux "les socialo-communistes", comme dans les années 1980. Et voilà qu'il faut leur faire une place à table...

Certes, ils avaient bien entendu M.Sarkozy lorsqu'il avait demandé aux siens, le 14 janvier, de le "laisser libre d'aller" vers ceux qui n'avait jamais voté à droite. Mais ils avaient mis cela sur le compte de l'habileté tactique, de la rhétorique de campagne.

Les députés de base ne sont pas seuls à tiquer à l'idée de devoir affronter la concurrence des ennemis d'hier. Certains des fidèles du nouveau président de la République craignent eux aussi que l'ouverture ne se fasse à leur détriment. C'est en leur nom que M. Devedjian a pris la parole, alors que le nouveau président avait quitté la salle.

"Je suis pour aller très loin dans l'ouverture (...), y compris jusqu'aux sarkozystes, c'est dire !, a-t-il lancé. Parce que je pense que la fidélité n'est pas nécessairement le contraire de la compétence." Une allusion aux propos adressés par M. Sarkozy aux parlementaires qui leur avait expliqué, mercredi, "la fidélité c'est pour les sentiments, l'efficacité c'est pour le gouvernement". "Un mot d'humour, minimisera plus tard M. Devedjian. Je suis à 200 % pour l'ouverture, mais il faut des gestes rassurants pour les parlementaires."

"MAINTENANT JE ME DOIS À LA FRANCE"

Malgré ces états d'âme, le nouveau président de la République n'a rien cédé de son nouveau credo. Prenant congé de son parti (où il sera remplacé par une direction collégiale en attendant le congrès de l'automne) "par devoir", "par obligation morale" mais avec "le cœur déchiré", il a fait vibrer la corde sensible en dédiant sa victoire aux siens : "Sans vous, rien n'aurait été possible." Mais, profitant de son dernier discours de président de l'UMP et de sa première intervention de chef de l'Etat, il s'est d'emblée placé au-dessus de son parti.

"C'est sur les principes de tolérance et d'ouverture que s'est construite la majorité présidentielle du 6 mai, rappelle-t-il. C'est sur ces principes que je veux construire le gouvernement; c'est sur ces principes que doit maintenant se construire la majorité législative." "Je vous demande d'être une force de rassemblement et non d'exclusion", poursuit-il en s'adressant aux futurs candidats.

Leur feuille de route ? "S'ouvrir aux autres, à ceux qui ont un autre parcours, une autre histoire, une autre sensibilité", "ne pas avoir peur des idées différentes." Bref, faire du Sarkozy : "L'ouverture, leur lance-t-il encore, c'est la caractéristique des âmes fortes."

Anticipant leur crainte de se voir déposséder d'une victoire à laquelle ils pensent avoir contribué, l'élu du 6mai livre ce dernier message aux siens : "Maintenant, je me dois à la France (...). Ma mission, c'est de servir l'intérêt général."  Et à ceux qui espéraient encore qu'il se porterait à leur tête, il ne promet que le service minimum : "Le moment venu, je dirai, comme tous mes prédécesseurs, les enjeux de ce scrutin."

Puis M. Sarkozy s'est éclipsé pour de nouvelles consultations, laissant François Fillon, futur premier ministre, conclure la cérémonie : "Avec nos partenaires de l'UDF, avec les personnalités de gauche et de la société civile, nous sommes désormais porteurs d'un pacte présidentiel."  Nouvelle définition de la majorité plurielle version UMP ? Ou premier appel à la discipline ?

Sources Le Monde

Posté par Adriana Evangelizt

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