Avis de conflit fort
Avis de conflit fort
par Patrice Biancone
Premier mouvement social depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, la grève du 18 octobre s’annonce massive si l’on en croit les nombreux préavis qui ont été déposés. Principaux concernés, les secteurs des transports, ceux de l’énergie et plus largement la fonction publique. L’Elysée et le gouvernement ont fait part de leur sérénité et de leur détermination, l’enjeu pour eux étant, non pas d’empêcher la mobilisation, mais de la maîtriser…
Une rentrée sociale, une vraie, il n'y en pas eu depuis plusieurs années. L'exécutif, qui le sait mieux que quiconque et qui craint l'effet tâche d'huile, anticipe donc en évoquant un conflit fort, un peu comme si le fait de parler d'une grande mobilisation allait contribuer à l'atténuer ou a en atténuer les effets sur l'opinion publique.
Tout simplement, les deux têtes de l'exécutif ont mis leur communication au diapason. Nicolas Sarkozy, en visite à Bordeaux, a résumé sa pensée en expliquant qu'il entendait réformer « tranquillement mais fortement », alors que le porte parole du gouvernement, Laurent Wauquiez, a assuré, pour sa part, qu'à Matignon « on attend les grèves de jeudi avec sérénité, écoute et détermination ».
Une provocation
En réalité, avec cette première épreuve sociale, Nicolas Sarkozy et le gouvernement jouent gros. Il s'agit, pour eux, de constater, grandeur nature, la capacité des Français à accepter la « rupture » dont on parle depuis la campagne présidentielle sans réellement avoir pu juger de la forme qu'elle pourrait prendre et de son impact sur les citoyens. De ce point de vue, la réforme promise des régimes spéciaux de retraites semble être une bonne occasion. Il s'agit en effet d'un sujet déjà abordé dans le passé avec l'insuccès que l'on sait par plusieurs Premiers ministres dont le plus célèbre reste Alain Juppé. C'était en 1995. Alain Juppé était si sûr de lui qu'il avait affirmé publiquement « qu'il ne reculerait pas à moins de deux millions de personnes dans la rue ». Une provocation qui lui a valu les ennuis que l'on sait, ennuis dont il ne s'est jamais remis.
L'Elysée et Matignon ont conservé la mémoire de ce temps politique et comptent bien ne pas reproduire les mêmes erreurs. Mais même si l'époque a changé, même si l'opinion publique est majoritairement favorable à un alignement des régimes spéciaux sur le régime de la fonction publique - c'est-à-dire 40 ans de cotisation contre 37,5 actuellement pour les régimes spéciaux -, il n'en reste pas moins que l'irrationnel reste un paramètre important en politique et que d'autres sujets de mécontentements pourrait contribuer à l'élargissement de la mobilisation... Certains sondages nous expliquent même que si, effectivement, la majorité des Français sont pour une réforme des régimes spéciaux, ils ne rejettent pas pour autant le mouvement social qu'elle a engendré. En d'autres termes, certains pourraient profiter de la situation pour faire entendre leurs voix sur le pouvoir d'achat, sur la fiscalité, sur l'emploi, sur la fusion ANPE-Unedic ou pour se refaire une santé.
Durcir le ton
Et c'est bien cela qui inquiète un certain nombre d'élus de la majorité. Ces derniers soulignent que dans une période où les syndicats sont mis en question dans l'affaire de la caisse noire de l'UIMM (l'une des principales fédérations du Medef), ils pourraient-être tentés de durcir le ton pour bien montrer que le soupçon qui pèse sur eux n'est en rien justifié et que leur mission reste bien la défense des intérêts de leurs adhérents et « des travailleurs » en général. Ceci expliquerait notamment, selon eux, le raidissement et la déclaration du secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, qui vient de confier qu'il envisageait des suites aux grèves du 18 octobre si le gouvernement ne revoyait pas sa copie sur les régimes spéciaux...
Sources RFI
Posté par Adriana Evangelizt