«Merkel ne distribue pas des claques dans le dos comme Sarkozy»

Publié le par Adriana EVANGELIZT

«Merkel ne distribue pas des claques dans le dos comme Sarkozy»


 

Par Arnaud Vaulerin

Martin Koopmann, spécialiste des relations franco-allemandes, analyse le changement de ton et les différences de points de vue qui se manifestent entre Paris et Berlin.

Pensez-vous que les sujets de discorde se multiplient entre Paris et Berlin?


Je pense que le risque de discuter de positions divergentes sera plus grand à l’avenir. Aujourd’hui, on aborde plus les différences de points de vue. C’était moins le cas auparavant. Je pense que ce dialogue plus ouvert et plus transparent peut être positif pour la relation franco-allemande et pour la construction européenne.

 

En quoi cela peut-être positif ?


Les partenaires européens de la France et de l’Allemagne se rendent compte que Paris et Berlin ne sont pas d’accord sur tout et a priori et que ce n’est plus ou pas un couple exclusif. Ainsi, on peut donc se ranger à la position française ou allemande. A long terme, cela renforce la légitimité et la fonction motrice du couple franco-allemand si tout va bien.

 

C’est-à-dire que si l’on se dit tout, ça peut aller mieux…


Disons plutôt qu’à l’avenir, l’important sera de dire «mettons-nous d’accord sur les dossiers pour créer une valeur ajoutée pour l’Europe». Si l’on a des positions différentes, il faut les aborder, les discuter pour arriver à des compromis et des solutions communes. Ce sera toujours mieux que de cacher des conflits qui existent de toute façon.

 

Avant l’arrivée de Nicolas Sarkozy, les dossiers qui fâchent étaient cachés?


Oui bien sûr. L’exemple le plus évident c’est l’élargissement de l’union européenne. Comment expliquez-vous la position de Jacques Chirac concernant la Turquie si ce n’est à travers la relation franco-allemande. Le président français savait très bien que ses partenaires sociaux-démocrates en Allemagne étaient en faveur d’une adhésion de la Turquie. Du coup, il n’y a pas eu de débat franco-allemand sur le sens de cet élargissement. En revanche, je ne pense pas que le comité des sages voulu par Sarkozy soit la solution. Un Comité des sages ne lance pas le débat public sur ce genre de question.

 

Estimez-vous que le couple franco-allemand traverse une «crise profonde» comme l’écrivait le quotidien allemand «Rheinische Post» mardi?


Depuis des décennies, j’entends parler de crise du couple franco-allemand. Il y a des problèmes dans la communication franco-allemande qui sont dus pour une large part au comportement de Nicolas Sarkozy. Il faut faire attention que les fissures dans le couple franco-allemand ne s’élargissent pas. Et que l’on ne prenne pas l’habitude de dire les choses comme on le fait en ce moment. Il faut retourner à un langage plus diplomatique qui prend en compte les limites dans le dialogue entre deux pays.

 

Parleriez-vous d’une nouvelle ère qui s’ouvre pour les relations franco-allemandes?


Certainement, sans que l’on sache si elle sera positive ou négative. Les comportements de Sarkozy et de Merkel sont très différents de ceux de Chirac et Schröder qui ont été proches depuis la crise irakienne en 2003-2004. Aujourd’hui, Paris et Berlin ont bien en tête les intérêts nationaux de leur propre pays. Il les prononcent ouvertement et ils ont une approche beaucoup plus pragmatique du couple franco-allemand. C’est pour eux un instrument pour faire passer leurs messages et leurs propositions. Ce n’est plus une affaire de cœur.

 

Malgré tout, il y a tout de même des divergences sévères sur Airbus, sur la manière même de faire de la politique et se concerter. Nicolas Sarkozy a tout de même insisté significativement pour que l’Allemagne revienne à l’option nucléaire…


C’est une approche peu utile, car le débat sur l’énergie mixte en Allemagne, qui est très ancien, ne dépendra pas d’une remarque de Sarkozy. Pour la cohésion gouvernementale, ce n’est pas très bien vu. Les sociaux-démocrates se sont rebiffés. En fait, il y a une certaine sensibilité sur la politique économique et industrielle entre la France et l’Allemagne car Sarkozy pousse beaucoup sur ses sujets.

 

On a également constaté des différences marquées entre les deux dirigeants, dans leur manière se comporter et dans leur relation…


Il ne faut pas sous-estimer Angela Merkel. Elle est moins offensive que le président français. Elle sait très bien écouter l'opposition allemande, comme ses partenaires européens. Elle ne claque pas des mains et ne distribue pas des tapes dans le dos. Elle est au pouvoir depuis plus un an et demi, sait qu’elle a une économie qui marche en Europe, qui est plus indépendante de l’Etat que celle de la France. Les négociations sociales fonctionnent bien et tout cela lui donne une force tranquille.

 

Y-a-t-il un agacement des dirigeants allemands vis-à-vis du comportement offensif et parfois «bulldozer» de Nicolas Sarkozy?


Du côté des sociaux-démocrates, c’est certain. Ceux qui connaissent la France savent que le Président est entouré de personnes compétentes et très européennes comme Michel Barnier, Alain Lamassoure, Jean-Louis Bourlanges, que le Bundestag et l’Assemblée nationale ainsi que les ministères nationaux ont des relations fortes. Il y a le sentiment qu’il ne faut pas réagir farouchement et, surtout, attendre comment Sarkozy va lui-même évoluer. Il n’est pas là depuis longtemps. On sait en Allemagne, que Sarkozy est un interventionniste, qu’il veut créer des champions nationaux au lieu de les lancer au niveau européen. Il a mis le doigt sur de vrais problèmes pour réformer la France mais je ne sais pas s’il aura la force à long terme d’imposer les réformes qu’il faut. Il commence à zéro.

Sources Libération

Posté par Adriana Evangelizt

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article