La fin des souverainetés et des libertés en Europe 2ème partie

Publié le par Adriana EVANGELIZT

 

 

La fin des souverainetés et des libertés en Europe


Jean-Claude Paye : « Les lois anti-terroristes.

Un Acte constitutif de l’Empire »


par Silvia Cattori

 

2ème partie

 1ère partie

 

Jean-Claude Paye et son ouvrage « La fin de l’État de droit » (Éditions de La Dispute, 2004. Son second ouvrage : « The Global War on Liberty », Telos Press Publishing, 2007)

 

Silvia Cattori : Cela signifie que l’Autorité exécutive des États-Unis s’attaque directement aux droits fondamentaux des citoyens du monde entier, dont ceux de l’Union européenne !?

Jean-Claude Paye : Oui évidemment ! Mais il ne s’agit pas seulement de l’exécutif états-unien, mais l’ensemble des exécutifs de la planète entre lesquels il y a une vraie solidarité contre leurs populations. Les prisons secrètes de la CIA sont un bon exemple de ce processus [6]. Au niveau européen, des administrations ont directement été intégrées dans cette organisation de la torture. Dans le meilleur des cas, tout ce que l’on a pu obtenir des gouvernements européens est qu'ils se comportent comme les trois petits singes : aveugles, sourds et muets [7].

Silvia Cattori : Que va-t-il advenir à ceux qui sont inscrits sur ces listes « terroristes », qui, elles, demeurent secrètes ?

Jean-Claude Paye : Les listes « terroristes » ne sont pas toutes secrètes. Au niveau européen, seule la liste « Europol » est secrète. Elle permet de prendre des mesures de surveillance et la mise en œuvre de techniques spéciales de surveillance et de recherches secrètes à propos de personnes désignées comme « terroristes » [8].

La liste du Conseil européen permet de prendre des mesures financières, tel le blocage des comptes bancaires. Tous ces éléments vont être utilisés si le rapport de force est favorable au pouvoir en place. La première chose à faire est de révéler ce qui se passe, de diffuser le maximum d’informations et de faire en sorte que ces listes soient connues.

Silvia Cattori : Cela ne vous suggère aucune analogie ?

Jean-Claude Paye : Oui, le climat des années trente. Mais, actuellement, il se met en place une dictature mondiale. Une espèce de « meilleur des monde » et non un simple processus de « fascisation ».

Silvia Cattori : Depuis 2001, on kidnappe des gens, on torture des prétendus « terroristes » d’origine arabe et de confession musulmane. Doit-on s’attendre à ce que, demain, on punisse ceux qui dénoncent ces abus ?

Jean-Claude Paye : L’empire a besoin d’ennemis. Il créé, il invente ses propres ennemis.

La première chose à faire est de montrer ce qui est caché [9]. Il y a tant de lois permettant de faire n’importe quoi, n’importe quand ! Mais cela se fait en fonction de la résistance immédiate des intéressés. Auparavant, il y avait un cadre législatif qui nous protégeait. Maintenant, ils peuvent faire n’importe quoi si ils ont la capacité de l’imposer. Aujourd’hui, les choses reposent sur un pur rapport de force.

Silvia Cattori : M. Dick Marty [10], mandaté par le Conseil de l’Europe, pourra-t-il obtenir de l’Union européenne qu’elle annule ces listes illégales ?

Jean-Claude Paye : Le rapport que M. Dick Marty a rédigé est très important ! Son rapport fait tache, il s’oppose à la ligne politique des gouvernements européens. Mais, dans les faits, M. Marty n’a aucun pouvoir ; son rapport n’a rien pu changer car il est à contre courant. Ce rapport est cependant essentiel.

Silvia Cattori : Ces politiques qui nous parlent de justice et de liberté, c’est du vent ?

Jean-Claude Paye : Il faut être lucides, montrer les choses telles qu’elles sont. Ceux qui font des critiques en se limitant à dire : « Oui il faut des lois antiterroristes, c’est nécessaire de lutter contre le terrorisme, mais il faut éviter les abus » ne font que légitimer le point de vue du pouvoir. Il faut montrer que les lois, qui ont pour but déclaré de lutter contre le « terrorisme », sont en fait des lois contre les populations.

La dernière loi promulguée aux États-Unis, le Military Commission Act, est une loi constitutionnelle de portée mondiale, comme je le démontre dans mon dernier livre Global war on Liberty. Le président des États-Unis a la possibilité de désigner comme ennemi tout citoyen états-unien ou tout ressortissant d’un pays avec lequel les USA ne sont pas en guerre. La gestion des populations, citoyens états-uniens compris, devient un acte de guerre et non plus seulement une action de police.

Prenons l’exemple de l’Accord Swift. Swift est une agence belge qui s’occupe des transferts financiers internationaux. Swift a transmis, depuis 2001, toutes les informations sur les transactions de ses clients en violant, non seulement la législation belge, mais la législation européenne [11]. C’est le droit des États-Unis qui s’applique en Europe.

Tout ce qui est dit par l’administration états-unienne est du domaine de la foi. La thèse gouvernementale sur les attentats du 11 septembre, personne ne peut rationnellement la croire. Le rapport de la Commission n’indique même pas qu’une troisième tour s’est effondrée. C’est un rapport psychotique dans lequel le discours du maître se substitue aux faits eux-mêmes. Un récent sondage Zogby montre que la majorité des États-uniens souhaite la réouverture de l'enquête [12]. Alors qu’en Europe, le simple fait de poser des questions est stigmatisé.

Silvia Cattori : Quel mécanisme reste-t-il pour exiger le retour à un État de droit ?

Jean-Claude Paye : Il faut mettre les choses à plat. Parler clairement. Montrer les enjeux. Cela dépend de la capacité de résistance des gens.

La lutte « antiterroriste » est en fait une guerre contre les libertés. Cette guerre contre les libertés est la première étape d’une guerre contre les populations. Et le Military Commission Act est une loi pénale qui a un caractère mondial, et qui, en fait, est un acte d’une souveraineté impériale. C’est une loi qui confond rapport de police et rapport de guerre. C’est la mise en place d’une nouvelle forme d’État mondial qui, en intégrant fonctions de police et de guerre, lutte contre ses propres populations

Chose importante, cette loi s’applique au niveau mondial, elle donne la possibilité aux États-Unis, non seulement d’enlever, mais, surtout de se faire remettre n’importe quel citoyen dans le monde, c’est-à-dire des gens qu’ils ont qualifiés d’« ennemis combattants ».

Les accords européens d’extradition avec les États-Unis ne s’opposent pas à ce que les gens désignés comme « ennemis combattants » puissent être transférés aux États-Unis. C’est donc une loi qui a une portée mondiale. C’est un Acte constitif de l’Empire.

Actuellement, c’est le droit pénal qui est constituant. Ceci a déjà existé dans l’histoire de nos sociétés. Le droit pénal exerce un rôle constitutant dans les périodes de transition (par exemple, au début du capitalisme le droit pénal a été dominant).

Si le droit pénal est actuellement dominant, c’est qu’il se prépare une nouvelle forme de droit de propriété. Ce que l’on pourrait appeler la fin de « la propriété de soi ». L’ensemble de nos données personnelles ne nous appartiennent plus. Elles appartiennent à l’État, mais également aux firmes privées. La domination du droit pénal prépare la mise en place de ce futur droit privé.

Silvia Cattori : Les gens pensent généralement que ces mesures ne touchent que des individus précis ?

Jean-Claude Paye : Elles touchent tout le monde. Elles touchent toute forme de résistance. Un « terroriste » c’est devenu quelqu’un qui ne veut pas abandonner ses libertés au pouvoir, quelqu’un qui veut vivre.

Silvia Cattori : Depuis cet été, les États-Unis considèrent comme suspects de « terrorisme » les opposants à leur politique en Irak et au Liban [13]. Le directeur de l’agence de presse libanaise New Orient News, membre du Réseau Voltaire, y figure déjà. L’administration Bush aurait demandé au cabinet Sarkozy, de transcrire en droit français les nouvelles listes d’opposants politiques et d’y faire figurer le journaliste Thierry Meyssan, déjà personna non grata sur le territoire des États-Unis. Cela vous étonne-t-il ?

Jean-Claude Paye : Je n’étais pas au courant de la demande concrète de M. Bush relative à Thierry Meyssan. Mais c’est un contexte de pur rapport de force à un moment déterminé. Quand on songe à l’hystérie que des soi-disant « intellectuels » français ont développée, et aux attaques que Thierry Meyssan a subies en France depuis la sortie de son livre sur les attentats du 11 septembre [14] qui osait poser les questions qu’il fallait se poser, rien ne peut plus vous étonner.

Mon travail montre, que les dispositions « antiterroristes » ont pour objet de s’attaquer aux opposants politiques ainsi qu’aux populations et pas seulement aux « islamistes ». On ne peut donc pas être fondamentalement surpris, si cela se vérifie, d’une éventuelle inscription de Thierry Meyssan sur les listes « terroristes ». Cependant, cela indiquerait que nous avons franchi une nouvelle étape dans la criminalisation de la parole d’opposition. Cela indiquerait que le pouvoir se sentirait parfaitement à l’aise, en mettant au grand jour des objectifs qu’il a toujours niés jusqu’à présent.

Qui peut croire la thèse gouvernementale des attentats du 11 septembre ? Qui peut croire qu’une tour touchée par un avion tombe de façon contrôlée ? Le problème est que les États-Unis donnent tous les renseignements qui permettent de remettre en cause leur thèse, et les gens font semblant de croire. Nous sommes dans un mécanisme pervers, dans lequel l’individu, pour ne pas affronter le Réel, fait semblant de croire l’invraisemblable.

Silvia Cattori : Alors même que Thierry Meyssan a révélé des faits qu’il eut fallu prendre au sérieux, curieusement, les journalistes en général l’ont esquinté.

Jean-Claude Paye : À qui appartiennent ces journaux qui ont diffamé Thierry Meyssan ? Ces « journalistes » sont des gens qui recopient ce qu’on leur dit de dire. Connaissez-vous beaucoup de journalistes « officiels » qui vérifient leurs sources et qui font un travail d’investigation sérieux ?

Silvia Cattori : Vos livres sont importants pour tous ceux qui défendent les libertés.

Jean-Claude Paye : J’ai écrit ces livres parce que je crois qu’il était nécessaire de le faire. Quand j’ai vu ces lois passer en Belgique et partout dans le monde, tout allait dans le même sens. Il fallait faire ressortir cette cohérence. Il y a peu de gens qui font ce travail. Je suis quasiment le seul à travailler de manière globale. Toutes ces données ne sont pas rassemblées. Je dois les collecter, faire le travail des juristes et en même temps mon travail de sociologue, de pouvoir penser la nouvelle forme d’organisation du pouvoir. Mes travaux prennent en compte les deux côtés de l’Atlantique. Ils étudient non seulement les lois anti-terroristes mais toutes les lois de contrôle social. Cela forme un tout.

FIN

Entretien réalisé le 30 août 2007.

[7] « L’Union européenne a autorisé par écrit les prisons secrètes de la CIA dès janvier 2003 », Réseau Voltaire, 13 décembre 2005.

[8] « L’Euro Patriot Act », Réseau Voltaire, 17 novembre 2003.

[9] « La loi Ashcroft-Perben II » et « La France autorise l’action des services US sur son territoire », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 18 février et 8 mars 2004.

[10] « Faut-il combattre la tyrannie avec les instruments des tyrans ? », par Dick Marty, Réseau Voltaire, 22 mars 2007.

[11] « La CIA a contrôlé les transactions financières du monde entier via la société SWIFT », par Grégoire Seither : et « SWIFT : le Trésor états-unien au-dessus des lois européennes », Réseau Voltaire, 26 juin et 29 septembre 2006.

[12] « La majorité des États-Uniens souhaite une enquête sur le rôle de MM. Bush et Cheney dans les attentats du 11/9 », Réseau Voltaire, 7 septembre 2007.

[13] La qualification de « terroriste » a été étendue par le président George W. Bush aux opposants politiques par l’Executive Order 13438— Blocking Property of Certain Persons Who Threaten Stabilization Efforts in Iraq (signé le 17 juillet 2007) et l’Executive Order 13441—Blocking Property of Persons Undermining the Sovereignty of Lebanon or Its Democratic Processes and Institutions (signé le 1er août 2007).

[14] L’Effroyable imposture, éd. Carnot, 2002. Réédition Demi-lune, 2007.

Sources Réseau Voltaire

Posté par Adriana Evangelizt

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