S'AFFRANCHIR DE LA PAUVRETE PAR LE TRAVAIL

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Encore un article pour bien montrer que ce que raconte Sarkozy sur le chômage ne tient pas la route. Il ne tient compte ni de l'augmentation de la population ni de le pugnacité des chômeurs à qui rien n'est proposé de concret. Un ingénieur doit-il se mettre balayeur pour ne plus être chômage ? Faut-il régresser dans sa profession et donc se retrouver mal dans sa peau pour ne plus faire partie des sans travail ?

 

S'AFFRANCHIR DE LA PAUVRETE PAR LE TRAVAIL

par Juan SOMAVIA

Créer un monde meilleur, et plus sûr, d'ici à 2015, était l'ambition affichée des Nations unies lorsque a été lancé l'ambitieux programme des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Au moment où l'ONU s'apprête à tenir le plus grand sommet mondial jamais organisé, la réalité montre que les progrès n'ont été que trop lents.

Nous n'avons pas fait assez pour ancrer les fondements d'une paix durable par la réduction significative de la pauvreté. Nous n'avons pas assez proposé de nouvelles façons de faire pour l'accès à un travail décent et le développement d'entreprises viables, créatrices d'emploi.

Il est devenu clair que les politiques de réduction de la pauvreté et que les politiques pour assurer la sécurité des gens ou rendre le monde plus sûr, plus prospère et plus juste n'ont pas produit les résultats escomptés. Environ la moitié de la population mondiale se démène au quotidien pour vivre avec l'équivalent de deux dollars pas jour. Et dans beaucoup de cas, avoir un emploi n'est pas une garantie contre la pauvreté. Le monde est plein de travailleurs pauvres.


Ce peu d'amélioration nous conduit à réfléchir à de nouvelles propositions dans le domaine économique et social, pour parvenir à la réduction de moitié de la pauvreté d'ici à 2015. Cette responsabilité qui nous incombe peut se résumer ainsi : s'affranchir de la pauvreté par le travail. Chacun, individuellement ou collectivement, a le droit d'attendre des autorités publiques et privées des propositions qui leur donnent une chance d'accéder à un travail décent.

Qu'est-ce que cela implique ? Pour l'instant et pour un futur proche, cela veut dire, si les tendances actuelles se confirment, qu'il n'y a pas assez d'emplois créés au regard de l'augmentation de la population active, et du nombre de ceux qui doivent aller chercher du travail ailleurs du fait de l'accélération des changements structurels liés à la mondialisation. Nous faisons face à une crise planétaire de l'emploi.


Même si de nombreux emplois ont été créés, il n'en reste pas moins que le chômage officiel s'est accru de 26% en l'espace de dix ans. Malgré tout, ces chiffres masquent un problème plus grave encore : le sous-emploi et l'impossibilité pour des millions de gens d'exercer une activité au maximum de leurs capacités productives.

Beaucoup trop de personnes, surtout des femmes, sont sous-employées et dans l'incapacité d'obtenir un emploi productif et décent. Pire encore, dans le système actuel, est la situation des jeunes.

On pourrait en fait aisément remplacer les Objectifs du millénaire pour le développement par «Génération du millénaire pour le développement», car ce sont les jeunes actuellement qui subissent le plus le chômage et le sous-emploi ; plus d'un milliard actuellement. Ainsi, près de 40% de la population mondiale a moins de 20 ans. 85% se trouve dans les pays en développement où sévissent pauvreté et inégalité des chances.


L'OIT estime à 86 millions le nombre de jeunes sans emploi, ils représentent près de la moitié des chômeurs du monde. Le taux de chômage global des jeunes est de 13,8%. Il était de 11,7% il y a dix ans. Comparés aux adultes, les jeunes en général ont trois fois plus de risque de se retrouver au chômage.

Plus encore, des millions de jeunes ne peuvent se permettre d'être au chômage : ils travaillent dur pour un maigre salaire et vivotent au sein de «l'économie informelle».

De nombreux pays, eux, font face à un défi terrifiant : comment créer des emplois pour les jeunes alors qu'il n'y en a déjà pas assez pour la population active d'âge adulte ?

Les dernières statistiques du BIT montrent que même la forte croissance économique n'a pas créé un nombre d'emplois important. En 2004 par exemple, le bon taux de croissance de 5,1% ne s'est traduit que par une augmentation de 1,8% de personnes ayant trouvé un travail. En résumé, des dizaines de millions de dollars de croissance produisent seulement une poignée d'emplois.


Etant donné que la population active mondiale augmentera de plus de 400 millions de personnes d'ici à 2015, même la rapide création de 40 millions d'emplois ne réduira le taux de chômage que de 1 pour cent en 10 ans.

Répondre au défi de l'emploi global demande non seulement plus, mais de meilleurs emplois. La majorité des gens vivant dans les pays en développement travaillent en marge du marché, dans ce qu'on appelle l'«économie informelle». Il s'agit de ceux qui peinent à la tâche dans les champs, les rues et d'autres lieux de l'économie informelle. Sans protection juridique, ils subsistent avec leur famille dans des conditions précaires.

Pourtant, nous ne devons pas baisser les bras. Des solutions sont possibles. Multiplier les chances d'emplois décents à travers la croissance, l'investissement et une plus forte productivité apporte de bonnes chances de répondre au défi. Nous devons inventer de nouvelles approches pour permettre aux travailleurs pauvres de devenir des travailleurs prospères.


La pauvreté engendre l'impuissance et l'indignité. Nous devons réaliser que les personnes vivant dans des conditions de privations matérielles recèlent d'énormes réserves de courage, d'ingénuité, de persévérance et de soutien mutuel. Se confronter simplement à la pauvreté – et des millions le font chaque jour – démontre la capacité d'adaptation et de créativité de l'être humain.

Imaginez ce que l'on pourrait provoquer si l'on pouvait libérer ces énergies. Réussir à développer l'esprit d'entreprise, et donc la consommation, y compris de ceux qui ont un faible revenu, est fondamental pour élargir les marchés, ce qui est après tout source de croissance pour les entreprises et pour l'emploi.

Comment y arriver ? Nous devons commencer à changer de paradigme politique et reconnaître que l'emploi et l'aide aux entreprises qui créent les emplois sont la meilleure façon d'éradiquer la pauvreté. L'objectif d'une économie globale et prospère n'est possible que si existent bel et bien une productivité et un pouvoir d'achat de tous les citoyens, en premier lieu sur le marché local, là où ils vivent.


Le travail est le lien manquant dans les efforts pour réduire la pauvreté. La plupart des recommandations politiques n'ont pas réussi à envisager la création d'emplois comme un objectif à part entière. Elles l'ont plutôt considérée comme le résultat attendu de politiques macroéconomiques bien pensées. Même si ces dernières sont indispensables à la croissance, la clé est de s'assurer que la croissance est équilibrée et porteuse d'emplois, ce qui veut dire qu'elle est créatrice de nombreux emplois décents.


Peut-on atteindre cet objectif ? Nous le devons. Reconcentrons-nous sur l'investissement et l'esprit d'entreprise, l'emploi, la création de revenus et l'emploi décent pour tous. Efforçons-nous de nous assurer que la mondialisation est juste et qu'elle apporte des bénéfices à tous, pas seulement à quelques-uns. Poursuivons la vision d'une stabilité politique et sociale fondée sur la prospérité de ceux qui peuvent et veulent y travailler. Si la communauté internationale, d'un même élan, met au point une ligne politique cohérente permettant à chaque homme et à chaque femme, quel que soit son âge, de sortir de la pauvreté, le reste suivra.

Alors que l'on parle beaucoup en ce moment de réforme des Nations unies, c'est une réforme «de la vraie vie» que ceux qui travaillent et leurs familles attendent dans le monde entier. Essayons de la mettre en place.

* Directeur général du Bureau international du travail (BIT) .

Sources : LE FIGARO

Posté par Adriana Evangelizt

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