La France c'est NOUS

Publié le par Adriana EVANGELIZT

 

La France... c'est NOUS

Par Frank Eskenazi

Edito du Numéro 2 de De l'Autre Côté


Les instances catholiques, protestantes et musulmanes de France se sont manifestées avec émotion contre l’immigration jetable conçue par le ministre de l’Intérieur et qui entend trier les immigrés en fonction des besoins de notre pays. Un absent : les instances organisées des juifs de France. Ne nous le cachons pas, la prochaine grande affaire qu’aura à affronter ce pays sera celle de la haine de l’Islam. Nous avons trop vécu pour en être là, non ? Quoi qu’il en soit, De l’autre côté qui a si peu vécu, s’interroge sur la France qui a si bien intégré les juifs qu’ils s’assimilent aux vrais nantis repus de la République et n’admettent aucune dissidence dans le soutien inconditionnel à Israël. La France, qui a si peu partagé avec les Maghrébins musulmans que leurs enfants n’ont souvent d’autre choix que de voir en elle la cause unique de leur désarroi. Qui fera le pont ? Qui dira qu’un incessant dialogue est crucial pour chacun des côtés de ce triangle ? Qu’en intégrant les juifs depuis des siècles, la France a bénéficié d’un trésor, trésor dont elle se prive en rejouant de meurtriers débats séculaires : Musulmans, avancez d’abord la preuve que vous êtes compatibles avec la République. Faites-le pour elle qui a tant agi pour vous faire croire qu’il est possible de changer de monde ou que le nôtre n’est pas si mal après tout puisqu’on peut chausser des baskets gonflables, vivre dans la frustration des pères, l’étrangeté des fils, les imprécations des mères, parmi une population dont nul n’a voulu connaître le récit, dont nul ne souhaite toujours entendre les mots, pour qui l’on a créé des commissariats tout neufs et que l’on observe, incrédules, lorsqu’elle crie. Allons vivre dans leurs tours, pour voir si nous-mêmes serions compatibles. Solubles dans l’eau.


En publiant des extraits de la rencontre entre Michel Warschawski et Tariq Ramadan organisée par l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) à Stras¬bourg, nous souhaitons poursuivre cet inlassable travail de dialogue, aussi complexe soit-il. Car après tout, la France c’est nous. Entre le militant anti-colonialiste israélien, fils de l’ancien grand rabbin de Strasbourg et l’universitaire et islamologue suisse, fils de fondateur des Frères musulmans, un dialogue est possible, voire nécessaire. De même que pour nous, il l’est avec Théo Klein. Ce militant sioniste de toujours, qui inventa les dîners du CRIF, ne se satisfait plus, lui qui fut à la fois clairvoyant et pourtant si peu critique, d’une approbation aveugle de la politique israélienne.


En cela, De l’autre côté n’aura de cesse d’ouvrir à l’intérieur et à l’extérieur de nous-même. Et quoi ? Qu’il soit question d’aller chercher des enfants dans les écoles, au-delà de tout sentimentalisme, cela peut-il se faire ailleurs que dans un monde obscur ? A la table du nouveau monde, ceux qui auront accepté le festin, auront le coeur vide. Mais ainsi que l’écrivait Edward Saïd dans son autobiographie1 : « Ma priorité a toujours été celle de la conscience intellectuelle plutôt que la conscience nationale ou tribale, malgré la solitude qu’un tel choix risque d’imposer ». Et avec qui parlerons-nous si ce n’est avec l’autre ? Avec qui prendrons-nous des risques ? Il y a beaucoup à parier et, au point où nous en sommes, fort peu à perdre. Nous avons en commun ce sentiment que nos malheurs n’effacent pas ceux d’autrui et qu’ils ne suffisent pas à nous définir. Quand on ne voit plus le malheur des autres, n’est-ce pas que le sien propre s’est fossilisé dans l’imaginaire ?


Sources : UJFP

Posté par Adriana Evangelizt

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