L'initiative française sur l'Iran suscite des réactions mitigées en Europe
L'initiative française sur l'Iran suscite
des réactions mitigées en Europe
par Natalie Nougayrède
En préparant une initiative diplomatique unilatérale en direction de l'Iran, pour discuter avec les autorités de Téhéran de "questions régionales", surtout du Liban, la France a pris de court ses partenaires européens. Le Quai d'Orsay a répété, jeudi 18 janvier, que l'envoi " éventuel" d'un émissaire français était à l'étude, mais qu'aucune décision définitive n'avait été prise à ce sujet.
Le Monde avait révélé mardi le projet français, qui devait prendre, à l'origine, la forme d'un voyage du ministre des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, à Téhéran, avant que cette idée ne soit abandonnée au profit de l'envoi d'un émissaire de haut rang.
Le fait que cette initiative, préparée dans le secret, ait été dévoilée, a plongé les responsables français dans un certain désarroi. On indique dans l'entourage de Jacques Chirac que la démarche de dépêcher un émissaire en Iran apparaît, dans ces conditions, plutôt compromise.
Aucun pays européen, que ce soit l'Allemagne ou le Royaume-Uni, partenaires de la France au sein du groupe dit "UE-3", qui traite depuis 2003 le dossier du nucléaire iranien sur le plan diplomatique, ou que ce soit l'Italie, premier contributeur de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), et qui doit en prendre prochainement le commandement, n'a apporté un soutien public à la démarche française.
APPLICATION DE LA RÉSOLUTION 1737
De source européenne, on faisait part, jeudi, d'une certaine perplexité face au geste de Paris. Celui-ci a été préparé, souligne-t-on, de façon "très interne", sans que les autres pays européens aient été consultés. La démarche française intervient au moment où, au niveau de l'Union européenne, des discussions sont en cours sur la mise en oeuvre de la résolution 1737, votée le 23 décembre par le Conseil de sécurité de l'ONU, et qui a frappé l'Iran de sanctions en raison de la poursuite de ses activités nucléaires.
"Le geste français a été une surprise pour tout le monde, commente une source basée à Bruxelles. Notamment par la forme qu'il a prise." Alors que la majorité des Européens pèse pour une application stricto sensu de la résolution, le paradoxe est, constate cette source, que "les diplomates français engagés dans les discussions au niveau européen sont, eux, plutôt favorables à une mise en oeuvre large de la résolution". L'initiative de l'Elysée en direction de l'Iran pourrait avoir pour conséquence de conforter ceux qui, en Europe, souhaitent une mise en oeuvre a minima des sanctions.
L'envoi d'un émissaire français en Iran ne viserait pas à évoquer la question nucléaire, répète-t-on de source officielle à Paris. Mais les partenaires européens en étaient encore, jeudi, à chercher des éclaircissements sur la teneur exacte de l'initiative française. Le sentiment général est que Paris "devrait faire preuve d'une plus grande transparence", dit une source européenne, qui fait observer que "s'il s'agit de parler avec les responsables iraniens de la situation au Liban, avec comme préoccupation notamment la sécurité des troupes de la Finul, les Italiens, qui sont concernés au premier chef, auraient pu être consultés".
En visite jeudi à Paris, où il s'est entretenu avec M. Douste-Blazy, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed ElBaradei, n'a pas fait de commentaire spécifique sur l'initiative diplomatique française. Mais il a déclaré accueillir favorablement " tout effort, qu'il vienne des Européens, ou en particulier des Américains, pour obtenir que l'Iran coopère".
M. ElBaradei a aussi exprimé des doutes sur la politique de sanctions contre l'Iran, craignant qu'elle ne mène à une "confrontation". Il a par ailleurs mis en garde contre tout scénario d'action militaire. "On ne peut pas bombarder la connaissance", a-t-il dit, en allusion à la volonté des Iraniens de maîtriser la technologie nucléaire.
Les Etats-Unis et Israël réclament des sanctions plus dures
La ministre israélienne des affaires étrangères, Tzipi Livni, a plaidé, jeudi 18 janvier, alors qu'elle effectuait une visite au Japon, en faveur de "sanctions plus vigoureuses" contre l'Iran, qualifiant celles qui ont été votées en décembre par le Conseil de sécurité de l'ONU de "modérées". Alors que la France a entrepris de lancer une initiative diplomatique auprès de l'Iran, Mme Livni a estimé que les Iraniens "essaient de discuter avec le monde afin de transmettre des messages dans le but de gagner du temps, mais le temps joue contre tout le monde". La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a, le même jour, réitéré le refus américain d'engager un dialogue avec l'Iran tant que ce pays "refuse de faire ce que lui demande la communauté internationale", s'exprimant à Berlin, aux côtés du chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier. Les Etats-Unis poussent pour une montée en puissance des sanctions.
Sources Le Monde
Posté par Adriana Evangelizt