ENTRETIEN DE DOMINIQUE DE VILLEPIN
L'entretien ci-dessous montre que Dominique de Villepin sait bien répondre aux questions posées. Il fait mouche à chaque fois... y allant de quelques allusions bien placées qui montre bien combien il a à coeur de dire ce qu'il pense à l'encontre de certains. Au moins sur la Turquie, nous sommes certains qu'il y a encore une pierre d'achoppement entre lui et Sarko...
Tous les passages en gras sont notre "oeuvre"... sourire...
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ENTRETIEN DU PREMIER MINISTRE,
M. DOMINIQUE DE VILLEPIN,
AVEC "LE GRAND JURY RTL - LE FIGARO - LCI"
- EXTRAITS -
Paris, 4 septembre 2005
(...)
Q - Des élections générales ont lieu dans quinze jours en Allemagne, notre premier partenaire, notre principal partenaire, celui avec lequel nous faisons, outre du commerce, l'Europe. Angela Merkel, chrétienne démocrate, est en passe de gagner ces élections et donc Gerhard Schröder dont le gouvernement français, le président de la République était très proche, de les perdre. C'est une mauvaise nouvelle pour vous, Dominique de Villepin, de voir Gerhard Schröder potentiellement quitter le pouvoir ?
R - C'est le choix du peuple allemand…
Q - Bien sûr, on va le respecter, mais est-ce que c'est une mauvaise nouvelle ?
R - La France, le président Chirac, moi-même comme ministre des Affaires étrangères, nous avons très bien travaillé avec le chancelier Schröder et toute son équipe. Les Allemands choisiront les dirigeants qu'ils souhaitent.
Q - Vous connaissez Angela Merkel ?
R - Je connais Angela Merkel, je l'ai reçue à Paris lors de son dernier passage. Ce que je peux vous dire, c'est que la relation entre la France et l'Allemagne est une relation qui n'est susceptible d'être altérée par aucune élection. C'est un impératif…
Q - Elle dit elle-même que le duo, le moteur… le couple franco-allemand n'est plus d'actualité et que ce n'est pas sa priorité. Elle est plus sur la ligne disons, de Nicolas Sarkozy, qui pense qu'il faut élargir ce moteur à des acteurs comme le Royaume-Uni, l'Espagne, la Pologne… elle le dit comme ça.
R - J'ai reçu Angela Merkel et je sais ce qu'elle m'a dit et je sais ce qu'elle a dit au président de la République : son attachement profond à la relation franco-allemande et la conviction que cette relation est indispensable à un bon fonctionnement de l'Europe.
Q - Et si elle est un peu moins exclusive qu'auparavant, ça change quelque chose pour la France ou pas ?
R - Vous avez la mémoire des relations franco-allemandes depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, vous savez que cette relation est incontournable en Europe ; elle est nécessaire à nos deux pays, elle est nécessaire à l'Europe et elle nous est demandée par les autres pays européens. Alors je veux bien qu'on veuille ici et là enfoncer des coins, voire susciter des polémiques. Je peux vous dire que dans la relation entre la France et l'Allemagne, quels que soient les dirigeants dont se dotent les Allemands, la relation, la vitalité de la relation franco-allemande, le partenariat franco-allemand restera le même.
Q - Angela Merkel a elle aussi un programme de réforme fiscale et notamment de baisse très importante de fiscalité sur les entreprises. Si elle met en œuvre ce programme, très vite, est-ce que vous n'allez pas être contraint vous aussi, dans la concurrence entre les entreprises, de jouer l'abaissement de l'impôt sur les sociétés, ce qui n'existe pas dans votre réforme fiscale ?
R - C'est un tout petit peu plus compliqué que cela. Dans le programme allemand, puisque le programme allemand puise largement dans des réflexions françaises que nous connaissons bien, il y a le souhait de prendre en compte l'ensemble de la fiscalité, tout comme nous. Donc il y a d'un côté l'impôt sur le revenu, de l'autre côté, il y a les autres impôts et c'est bien cette vision globale qu'il nous faut avoir. Que dans la compétition européenne et internationale, les Français soient amenés à constamment réviser, regarder comment on peut améliorer cette compétition fiscale puisque vous le savez, notre souhait aurait été d'aller vers une harmonisation. Force est de constater, quand nous voyons la position des Britanniques notamment, que cette harmonisation fiscale ne paraît pas pour demain. Donc le fait d'avoir une politique fiscale qui nous permette véritablement d'être en tête, je souhaite que très vite nous ayons la politique fiscale, l'outil fiscal le plus moderne d'Europe pour permettre à chacun, citoyen, particulier, entreprise, de prendre toute sa place dans cette compétition.
Q - Un point sur lequel Angela Merkel est radicalement opposée aux positions de Gerhard Schröder et radicalement opposée à celles défendues essentiellement par Jacques Chirac, qui est l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Si Angela Merkel gagne, il y a de fortes chances pour que l'Allemagne refuse même d'entamer les négociations le 3 octobre prochain. Est-ce que ça change quelque chose pour vous ? Est-ce qu'au fond la question de la Turquie n'est pas quelque chose qui est déjà dépassé ?
R - La diplomatie ne se fait pas dans les gazettes.
Q - Ce sont ses discours de politique générale, c'est son programme, ce n'est pas une gazette.
Les gazettes n'y ont jamais prétendu Monsieur le Premier ministre.
R - Je sais ce que m'a dit Mme Merkel et je sais ce qu'elle ferait et en conséquence, je vous dis que les choses sont un tout petit peu plus compliquées que les positions tranchées que vous dites et quand on est à la tête, qu'on a la responsabilité de la diplomatie, on prend en compte un certain nombre de réalités et en particulier on prend en compte nécessairement l'exigence d'unité européenne. Donc sur la Turquie, nous avons une exigence : préserver l'unité européenne qui a déjà connu des blessures importantes au cours des derniers mois et qui connaît trop de divisions et faire en sorte que nous puissions engager les élargissements futurs dans des conditions de plus grand sérieux. Et c'est pour cela que nous avons souhaité, dès la déclaration faite par la Turquie… qui marquait une ambiguïté par rapport à l'Europe, nous avons demandé une clarification. Le président de la République et moi-même, nous avons demandé une clarification. Et c'est pour cela que l'Union européenne prépare aujourd'hui une déclaration pour véritablement demander à la Turquie de clarifier les choses et ce que je souhaite, c'est que la Turquie puisse s'engager le plus fortement, le plus rapidement sur le chemin de la reconnaissance parce qu'il me paraît indispensable que tout Etat s'engageant dans un processus d'adhésion puisse avoir une relation sereine et apaisée vis-à-vis de l'ensemble de l'Europe. C'est cette volonté que nous souhaitons de la part des Turcs.
Q - Est-ce que ça signifie qu'au fond de vous-même, vous êtes favorable à l'adhésion de la Turquie à l'Europe ?
R - Je pense que nous ne pouvons pas, compte tenu de ce qu'ont été les dernières décennies, de ce qu'est l'histoire de l'Europe et de la Turquie, nous ne pouvons pas, d'un revers de la main, balayer la candidature de la Turquie.
Q - Donc la réponse est oui, vous êtes favorable…
R - Donc je suis favorable à ce que ce processus d'adhésion puisse s'enclencher dès lors que nous avons les garanties que nous avons demandées et je suis favorable, bien sûr, à ce que la souveraineté totale de cette décision soit remise aux Français et c'est exactement ce qu'a décidé…
Q - Mais ma question était sur votre sentiment à vous… vous êtes favorable…
R - Oui mais mon sentiment est fonction de l'ensemble des garanties et de l'ensemble des dispositifs que nous avons mis en place et c'est pour cela que le président de la République a dit aux Français qu'ils seraient amenés par référendum à se prononcer au terme de ce processus. Et c'est pour cela que nous avons beaucoup insisté pour qu'à toutes les étapes de cette candidature, il y ait en permanence véritablement une décision qui soit prise, sujet par sujet. Donc clarification nécessaire aujourd'hui, procédure de contrôles qui permettent véritablement à cette éventuelle candidature d'être examinée avec le plus grand sérieux et responsabilité de nos compatriotes par référendum au bout du chemin.
(...)
Je demande à la Turquie de lever l'ambiguïté qui est la sienne sur sa déclaration concernant l'union douanière et je souhaite qu'elle puisse affirmer fortement sa volonté de s'engager dans un processus de reconnaissance de Chypre. Et je le dis parce que cela pèse évidemment sur la diplomatie française, que nous sommes soucieux de maintenir l'unité européenne. Vous savez, quel serait le crédit d'un Etat qui de but en blanc ouvrirait une crise sans même se soucier de l'attitude des autres Européens ? Vous savez, la diplomatie, c'est à la fois un exercice de mouvement mais aussi d'équilibre et c'est toute la responsabilité qui est celle de la France au sein de l'Europe.
Q - Mais vous-même ministre des Affaires étrangères, vous avez su, en votre temps, manier la crise quand c'était nécessaire si mes souvenirs sont bons.
R - Mais, je m'appuie sur des principes, le président de la République s'appuie sur des principes et nous nous appuyons aussi sur une vision. Cette vision, c'est une vision de l'avenir de l'Europe, c'est une philosophie concernant les élargissements et c'est le souhait que chaque processus soit engagé dans un esprit de responsabilité. Nous voulons satisfaire à tout cela ; il n'y a pas de démagogie dans la position française qui est la nôtre ; c'est la volonté d'avancer au service de l'ensemble de l'Europe sans une fois de plus un souhait de procès d'intention.
Q - La catastrophe américaine nous saisit tous, ces images sont absolument horribles. Pensez-vous comme le disent beaucoup d'Américains, que le président Bush a trop tardé pour réagir ? Mais en fait, peut-être que paralysé par la crise irakienne, il a du mal à gérer la situation ?
(...)
R - Je vais vous dire, l'art de gouverner est difficile et il n'appartient pas à un dirigeant français de donner de leçon à un dirigeant américain. Le président de la République a souhaité tout de suite proposer aux Américains une aide substantielle. Les Américains ont accepté que nous puissions apporter une aide matérielle, c'est ce que nous allons faire dans les prochains jours avec l'Europe.
(...)./.
Sources : POINT DE PRESSE
Posté par Adriana Evangelizt