USA - L'opposition politique à l'intervention militaire en Irak atteint une masse critique

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Excellente analyse... que Sarkozy lise où en est son ami...

L'opposition politique à l'intervention militaire en Irak

 atteint une masse critique

Par Nicolas Martin-Lalande

chercheur associé au Centre d'études transatlantiques (France) et à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques (Canada)

 

L'indécision anxiogène de la récente escalade contre-insurrectionnelle nourrit des dynamiques de politique intérieure qui devraient contraindre le président Bush à amender sa politique irakienne. L'érosion du soutien de l'opinion publique à l'intervention militaire en Irak catalyse l'effritement du consensus bipartisan et le morcellement du parti républicain, lesquels rétroagissent et accélèrent à leur tour l'érosion du soutien public.

L'érosion du soutien de l'opinion publique américaine à l'intervention militaire en Irak résulte d'abord d'une triple perception: les coûts – humain, matériel et moral – déjà endurés et à venir, l'absence de perspectives de progrèsa fortiori de succès – et le flou croissant des intérêts vitaux en jeu. Moins du quart des sondés approuve la conduite de la guerre par le commandant-en-chef. Le quart approuve l'action générale du président. George W. Bush a déjà battu le record d'amplitude de l'approbation de l'action générale du président en chutant de 90% d'opinions favorables (septembre 2001) à 25% (juin 2007) – son père détenait le précédent record, de 89% (février 1991) à 29% (juillet 1992). L'indécision de la récente escalade contreinsurrectionnelle est d'autant plus anxiogène que l'impact tactique et opératif des 30 000 militaires supplémentaires décroît à mesure qu'insurgés et miliciens s'ajustent, apprennent puis innovent.

L'érosion du soutien de l'opinion publique américaine à l'intervention militaire en Irak catalyse ensuite l'effritement – par suivisme – du consensus bipartisan sur l'intervention irakienne (et plus largement sur la lutte contre le terrorisme. D'autres facteurs interviennent. La perception d'un péril terroriste non-étatique diffus cimente moins le corps politique américain que ne le pouvait une menace communiste étatique territorialisée. La polarisation du spectre idéologique entre les Amériques bleue et rouge affecte la posture stratégique américaine.) L'opposition démocrate se durcit, généralisant la confrontation politique interpartisane et interinstitutionnelle. Si une minorité s'y oppose depuis l'origine (Dennis Kucinich, Mike Gravel et Barack Obama), la majorité des candidats démocrates à l'élection présidentielle de 2008 a voté pour autoriser le président à recourir à la force armée contre le régime irakien en octobre 2002 mais désapprouve désormais l'intervention militaire (Joseph Biden, Hillary Clinton, Chris Dodd et John Edwards). Hormis Tom Tancredo (a voté pour mais s'est rétracté depuis) et Ron Paul (s'y oppose depuis l'origine), les candidats républicains ont soutenu l'intervention et, dorénavant, soit l'approuvent toujours (Sam Brownback, Duncan Hunter et John McCain), soit critiquent son exécution – non sa conception (Rudy Giuliani, Mike Huckabee, Mitt Romney et Tommy Thompson). Alors que tous les candidats démocrates désapprouvent la décision présidentielle d'une escalade contre-insurrectionnelle (janvier 2007), la quasi-totalité des candidats républicains (sauf Paul et Tancredo – à nouveau) l'approuve. Quoique certains réclament l'interruption du financement (Kucinich), le retrait complet dans les 18 mois (Edwards) voire d'ici fin 2007 (Richardson), le retrait immédiat (Gravel et Kucinich) ou encore une décentralisation (Biden), la majorité des candidats démocrates réclame un redéploiement graduel (Biden, Clinton, Dodd et Obama). Au contraire, excepté Tancredo (redéploiement graduel), Paul (retrait immédiat) et Thompson (autodétermination des Irakiens), la majorité des candidats républicains veut maintenir l'actuel niveau d'engagement des troupes (James Gilmore,Giuliani, McCain et Romney), acceptant au plus d'irakiser la responsabilité de la sécurité (Brownback,Huckabee et Hunter).

L'érosion du soutien de l'opinion publique américaine à l'intervention militaire en Irak catalyse enfin le morcellement du parti républicain, lequel rétroagit pour accélérer à son tour l'érosion du soutien public. Les défections récentes de sénateurs républicains recadrent les termes du débat partisan et légitiment l'opposition républicaine à la conduite de la guerre. Le vice-président de la Commission sénatoriale des relations étrangères exhorte le président à réviser la stratégie des États-Unis en Irak, sans attendre le bilan de l'escalade contre-insurrectionnelle par l'ambassadeur Ryan Crocker et le commandant David Petraeus miseptembre. Richard Lugar estime que la fragmentation politique irakienne, la sur-extension stratégique de l'armée américaine et les contraintes du processus de politique intérieure hypothèquent non seulement le succès de l'actuelle stratégie en Irak mais encore la pertinence de la hiérarchie des intérêts stratégiques américains dans la région. Il recommande à l'administration républicaine d'amorcer un "retrait tactique" (diminuer le nombre des troupes déployées sur le théâtre irakien, réviser leur mission à la baisse – de la contre-insurrection à la formation des forces de sécurité irakiennes – et les redéployer au Kurdistan d'Irak, au Koweït et dans des bases extra-urbaines fortifiées en Irak), de lancer une "offensive diplomatique" régionale, de s'investir dans la résolution diplomatique du conflit israélo-arabe et de re-hiérarchiser les intérêts stratégiques régionaux des États-Unis. Réordonner ces derniers implique selon lui de préserver l'organisation unitaire de l'État irakien, prévenir la propagation régionale des violences interconfessionnelles, confiner l'expansionnisme iranien et limiter la perte d'autorité morale et (considérant les garanties de sécurité accordées aux régimes arabes sunnites alliés) de crédibilité diplomatico-stratégique des États-Unis au Moyen-Orient. Mus par une logique électorale de réélection et émus par le congé du 4 Juillet dans leurs circonscriptions, les sénateurs John Warner, George Voinovich et Pete Domenici appuient déjà l'opposition de Lugar et réclament une stratégie post-escalade. Cinq sénateurs républicains (Robert Bennett, MitchMcConnell, Judd Gregg, John Sununu, Susan Collins) et quatre sénateurs démocrates (Bill Nelson, Robert Casey, Blanche Lincoln et Mark Pryor) soutiennent par ailleurs la proposition bipartisane des sénateurs Ken Salazar (démocrate) et Lamar Alexander (républicain) de revitaliser l'Iraq Study Group un an après. Or, les défections de sénateurs lors des premiers débats sur la politique vietnamienne du président Lyndon Johnson en 1966 marquèrent précisément un tournant dans l'opposition à la guerre en légitimant puis accélérant l'érosion du soutien public.

Bien que le président soit désormais mu par une logique historique de postérité, il reste sensible à la conjoncture de l'opinion publique parce qu'elle détermine sa marge de manœuvre en politique intérieure. L'opposition politique à l'intervention militaire en Irak atteint dorénavant une masse critique. Afin de préempter la reformation d'un consensus bipartisan cette fois contre l'intervention militaire, ces dynamiques de politique intérieure devraient in fine contraindre l'administration Bush à recentrer sa politique irakienne sur le fondement du Rapport Baker-Hamilton pour forger un nouveau consensus bipartisan durable à la faveur d'une autre stratégie de sortie de conflit en Irak.

Sources IRIS

Posté par Adriana Evangelizt

 

Publié dans SARKOZY NEO CONS

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D
 <br /> Extrait De Villepin au journal de 20 heures hier :<br /> http://www.dailymotion.com/video/x2wx22_
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