Les professionnels de la culture inquiets face aux diktats sarkoziens

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Il faut même que Sarkozy mette sa pogne sur l'Art. Comme s'il y connaissait quelque chose. Qu'il n'oublie pas que l'Inspiration ne vient pas à la commande. Les Artistes sont des idéalistes et non des matérialistes comme lui. Mais il a raison de toucher aux Artistes... c'est d'eux que viendront les premiers nuages noirs...

La feuille de route de l'Elysée à Mme Albanel

inquiète les professionnels de la culture

par Clarisse Fabre

"Je suis inquiet quand je lis cette lettre…" La phrase revient comme un refrain, lorsqu'on demande à des artistes et à des acteurs de la culture de commenter la "lettre de mission" du président de la République Nicolas Sarkozy à Christine Albanel.

Comme ses collègues du gouvernement, la ministre de la culture et de la communication a reçu, début août, une "feuille de route" de l'Elysée rédigée par les collaborateurs du président.

D'abord passée inaperçue, cette missive fait actuellement beaucoup parler d'elle. Il s'agit de sept pages ponctuées de "vous ferez", "vous nous proposerez", "nous vous demandons" – un interventionnisme inhabituel pour le monde culturel.

M. Sarkozy y pointe longuement "l'échec" de la démocratisation culturelle et officialise "l'obligation de résultat" dans les scènes subventionnées. La Lettre du Spectacle, publication professionnelle, titre cette semaine : "Des subventions soumises aux indices de fréquentation".

Suit une longue liste de chantiers "prioritaires" : création d'un "enseignement obligatoire" d'histoire de l'art à l'école, "sauvetage" de l'industrie musicale, expérimentation de la gratuité sur un "échantillon" de musées "sans perte de recettes", etc.

L'heure est aux économies : les "dépenses de fonctionnement du ministère et de ses organismes rattachés" doivent être "réduites au profit de l'aide à la création et de la démocratisation culturelle", écrit M. Sarkozy. Le financement privé de la culture sera encouragé. "Un bon ministre ne se reconnaîtra pas à la progression de ses crédits, mais à ses résultats", prévient-il.

"BERCY RUE DE VALOIS"

Les réactions sont amères. "Fais plus, développe les publics, et bien sûr avec moins de moyens", grince Jean-Louis Martinelli, metteur en scène et directeur du Théâtre des Amandiers, à Nanterre.

"La démocratisation culturelle a réussi en fonction des moyens qui lui ont été attribués", constate François Le Pillouër, directeur du Théâtre national de Bretagne, à Rennes. "Les précédents présidents soutenaient les arts et la culture. Là, on a l'impression que M. Sarkozy installerait Bercy rue de Valois. Et qu'il serait le contrôleur budgétaire de la culture."

Signe de son embarras, le cabinet de Mme Albanel n'a pas souhaité commenter la lettre, estimant ne pas avoir "toutes les réponses en main". Son contenu a été élaboré en concertation avec le ministère mais certains passages émanent de l'Elysée, "comme l'obligation de résultat", indique la directrice de cabinet de M. Sarkozy, Emmanuelle Mignon.

"Vous exigerez de chaque structure subventionnée qu'elle rende compte de son action et de la popularité de ses interventions, vous leur fixerez des obligations de résultats et vous empêcherez la reconduction automatique des aides et des subventions", est-il noté page 3.

Economiste de la culture, Françoise Benhamou dénonce cette "pression" mise sur les directeurs de salle. "Prendre des risques en remplissant les fauteuils, ça ne marche pas toujours ensemble", rappelle l'auteure des Dérèglements de l'exception culturelle (Seuil, 2006).

"Bien sûr, il faut être expérimentaux et populaires. Mais on aurait aimé une lettre d'encouragement", regrette Jacques Blanc, directeur de la scène nationale Le Quartz, à Brest.

"L'APPLICATION DE L'AUDIMAT"

Un autre passage de la lettre fait grincer : "Veiller à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant aux attentes du public." M. Pillouër commente : "C'est l'application de l'Audimat au théâtre."

"La création ne peut être attendue, elle surgit. Qu'est-ce donc que l'attente du public ?", s'interroge M. Martinelli. "L'accent est mis sur la demande. Mais c'est la qualité de l'offre qui élève le niveau de la demande", confirme Didier Bezace, directeur du Théâtre de la Commune, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).

"Dans cette lettre, on voit se dessiner une culture de masse, française, où les enfants apprennent à aimer le patrimoine littéraire de notre pays… Jamais il n'est fait référence à l'art comme outil critique", ajoute le metteur en scène.

Nicolas Sarkozy ouvre un autre front, du côté des arts plastiques, en proposant de remettre en question le principe de l'inaliénabilité des œuvres d'art : soit l'impossibilité pour une structure publique de vendre une œuvre qui lui appartient. Il faut étudier, peut-on lire, "la possibilité pour les opérateurs publics d'aliéner des œuvres de leurs collections, sans compromettre naturellement le patrimoine de la Nation".

A l'Elysée, Mme Mignon confirme que cette "réflexion" concerne les Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC), financés par les régions et l'Etat, mais aussi les musées. La réforme est loin de faire l'unanimité.

"Créés il y a une vingtaine d'années, les FRAC n'ont pas la distance historique pour décider quel type d'œuvre doit être vendu, fait valoir l'Association nationale des directeurs de FRAC. Ce projet nous tombe dessus alors que, depuis deux ans, l'Etat refuse le dialogue avec les FRAC."

Il reste à Mme Albanel, devant les multiples réactions, à jouer les démineurs…

Sources Le Monde

Posté par Adriana Evangelizt

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article