DDV isolé par sa méthode
Coup de blues à Matignon. " Villepin accuse le coup. L'histoire du CPE, ça le touche beaucoup. Il a le moral en berne" : quelques jours avant la conférence de presse mensuelle du chef du gouvernement, mercredi 1er mars, un ministre décrivait, sourire en coin, la situation. Le contrat première embauche (CPE) menace d'embraser les universités à une semaine de la manifestation du 7 mars, le Chikungunya et la grippe aviaire font des ravages, le Clemenceau erre, les ministres se montrent maladroits ou inaudibles, le "patriotisme économique" est contesté. Et la gauche reprend du poil de la bête.
" Aujourd'hui, nous devons nous battre sur tous les fronts à la fois", a reconnu d'emblée, mercredi, Dominique de Villepin. Le problème est que ce premier ministre, qui voulait séduire l'opinion, se retrouve isolé face à son premier trou d'air dans les sondages. " Les ministres en ont marre. Villepin fait de la captation de communication sur tout. Cela agace même l'Elysée", confie ainsi un chiraquien. En public, les poids lourds du gouvernement affectent de prendre leur parti de la surexposition médiatique du premier ministre, brodant sur quelques formules choisies. " Je ne suis pas à mon compte. C'est une action collective", répète Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi. Mais il surveille de près ses propres initiatives (services à la personne, emplois aidés, mesures pour le logement) sans jamais citer les nouveaux contrats de travail portés par le premier ministre.
"UN TON DE PETIT MARQUIS"
Thierry Breton, lui, lâche un fataliste : " C'est la vie, c'est comme ça ! L'important c'est que les choses avancent." Mais, il ne faut pas prier beaucoup le ministre de l'économie pour qu'il explique dans le détail, à quel point il est efficacement à la manoeuvre dans l'affaire Mittal Steel, ou dans celle de Suez. Et qu'il a dû sauver la calamiteuse communication du gouvernement, l'été 2005, lors de l'OPA virtuelle de Pepsi sur Danone. Habile, M. Breton joue la solidarité gouvernementale et entretient les meilleures relations avec Nicolas Sarkozy.
Un ministre de second rang prend moins de gants : " Villepin ne nous a jamais laissés parler, il nous a renvoyés dans nos cordes, voire humiliés. Qu'il se démerde !" Plusieurs interlocuteurs de Matignon englobent dans leur grogne l'entourage du premier ministre. " Ses conseillers sont devenus comme lui. Ils prennent un ton de petit marquis qui donne des ordres. Cela ne crée pas un bon climat", dit l'un d'eux. " Il s'est surexposé avec sa conférence de presse mensuelle. Maintenant, il concentre l'échec sur lui", note un chiraquien.
Les élus ne sont pas plus amènes. " La méthode plombe la réforme", a lancé Michel Mercier, le président du groupe UC-UDF du Sénat, mercredi, lors du vote de l'article sur le CPE. Plutôt favorables à cette mesure, les sénateurs centristes ont été écoeurés que leur amendement sur la demande de justification de la rupture du contrat, n'ait pas trouvé grâce aux yeux du gouvernement.
L'intervention d'un proche de Jean-Pierre Raffarin, Hugues Portelli (UMP, Val-d'Oise), rappelant que "la connaissance du motif du licenciement est un principe général du droit" a produit un flottement dans les rangs de l'UMP. "Raffarin a moyennement apprécié le ton de Villepin sur son action", confie un proche de l'ancien premier ministre, plus explicite.
Les efforts de réconciliation entre le premier ministre et les élus, entrepris par Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, à grands coups de dîners, semblent avoir été gâchés. M. de Villepin n'a même pas réussi à se réconcilier avec son lointain prédécesseur, Alain Juppé, dont il a exclu les partisans lors de la composition de son gouvernement. La mise en scène de cette réconciliation officielle, au Canada, avait été annulée pour cause de crise dans les banlieues.
Nicolas Sarkozy attend, et fait le contraire. Même si son entourage ne se réjouit guère de la chute du premier ministre, qui risque d'entraîner tout le gouvernement par le fond.
Sources : LE MONDE
Posté par Adriana Evangelizt